Il a déjà tes yeux
Paul est marié à Sali. Tout irait pour le mieux s’ils arrivaient à avoir un enfant. Jusqu'au jour où Sali reçoit l'appel qu'ils attendent depuis si longtemps : leur dossier d'adoption est approuvé. Il est adorable, il a 6 mois, il s'appelle Benjamin. Il est blond aux yeux bleus et il est blanc. Eux… sont noirs !
De Lucien Jean-Baptiste, avec Aïssa Maïga, Lucien Jean-Baptiste, Zabou Breitman, 1h35, France
Horaires du 24 au 30 Avril
L'avis de la rédaction
Les yeux sans visage
Le pitch ? Un couple noir adopte un bébé blanc. Une évidence pour les parents. Moins pour leur entourage…Verdict ? Comment réaliser une comédie autour de ce qu’il faut bien appeler des préjugés racistes, aussi inconscients soient-il, sans verser dans la complaisance ? L’exercice tient du numéro d’équilibriste, que Lucien Jean-Baptiste réussit admirablement, hors de tout manichéisme. Et en faisant franchement rire, grâce notamment à un casting impeccable, seconds rôles inclus (parfaits Vincent Elbaz et Bass Dhem).
Matthieu Chauveau
L'interview
En inversant le modèle « classique » de l’adoption interculturelle (ici, des Noirs adoptent un Blanc), Lucien Jean-Baptiste affine encore le propos de ses précédents films (La première étoile, Dieumerci !), avec toujours humour et tendresse.
Fait-on des recherches précises pour écrire un tel film ?
Oui. On est allé dans une pouponnière. On a eu des témoignages incroyables. La responsable nous a dit : « adopter, c’est aimer un enfant qui ne vous ressemble pas, qui est différent ». Ça correspondait totalement au propos du film. Si des parents commencent à vouloir un enfant qui a les mêmes cheveux, les mêmes yeux qu’eux, c’est déjà faussé.
Derrière le thème de l’adoption pointe celui de la transmission…
Prenons mon cas : ma maman a une culture 100% antillaise et moi il me reste assez peu de cette culture. Mes enfants, qui sont métisses, sont de vrais petits bobos parisiens. Qu’est-ce qu’on garde de nos cultures, de nos parents ? Comment on s’adopte les uns les autres ? C’est le sujet du film. Ma réponse est celle-ci : la différence existe, mais elle ne doit pas créer l’inégalité des chances.
L’enquêtrice sociale, jouée par Zabou Breitman, est hilarante dans sa caricature…
En fait, elle n’est pas raciste, mot qu’on emploie un peu trop facilement aujourd’hui. Elle est comme beaucoup de gens : quand quelque chose n’est encore jamais arrivé, elle s’inquiète. L’inconnu lui fait peur. Elle voit les choses de l’extérieur. Elle ne prend pas le temps de parler à l’autre. D’ailleurs, on n’a pas toujours le temps…
Matthieu Chauveau